La maladie d’Alzheimer est principalement abordée comme une conséquence d’une dégénérescence neuronale. Pourtant, l’approche basée sur l’angoisse de mort donne des résultats tangibles avec des arrêts de délire et des récupérations significatives. Cet abord de la maladie d’Alzheimer modifie, sur le fond et sur la forme, la prise en charge en EHPAD des personnes présentant ce type de comportement, etc. Les articles de cette section visent à vous familiariser avec les fondamentaux de cet abord très spécifique. (Tout ce qui est présenté ici est vérifié sur le terrain).

Un jour, lors de l’accompagnement de la fin de vie d’une personne délirante, l’infirmier présent et moi avons été profondément bouleversés par le changement radical intervenu chez l’agonisant.

Alors que jusqu’ici, il semblait absent, le regard vitreux, il dit:

« Toi, tu sors pendant que je meurs ! » Il était présent, bien présent. Il semblait évident qu’il ne délirait plus. Nous étions très surpris. Il continua, s’adressant à l’infirmier:

« Tu t’es moqué de moi, alors pendant que je meurs, tu me laisses », puis il se tourna vers moi et me dit: « Toi, tu as l’air gentil, tu peux rester »… Lorsque je sortis de ma stupéfaction, je lui demandais: « Je ne comprends pas, pourquoi lui avez-vous dit de sortir ? » Il m’expliqua qu’il le voyait depuis longtemps et qu’à chaque fois, lorsqu’il disait n’importe quoi comme « as-tu rentré les vaches ? », l’infirmier répondait sur la même ligne, du style « Oui oui, je les aient toutes rentrées! ». Cette personne âgée m’expliqua avoir toujours souffert de son incompréhension… 

A l’époque, j’étais Lacanien, ce que me disait cette personne était incompatible avec ce que je croyais être la vérité sur le psychisme…

Pour un Lacanien, il existe ce que l’on appelle « le mécanisme de défense ». L’idée est que, face à une souffrance, pour s’en protéger, l’inconscient décide de la création d’un symptôme en usant de deux outils: la métaphore et la métonymie. Ainsi le symptôme est le révélateur de la nécessité de se protéger d’une angoisse et il est construit en lien avec le traumatisme générant cette angoisse. Pour un Lacanien, le symptôme est donc nécessaire et a un sens qu’il est important de comprendre. Ainsi la personne est sans distance d’avec son symptôme. Face à un délire, l’on considère donc que la personne est « dans » son délire, qu’elle vit dans une déformation de la réalité qui la protège de son angoisse. 

Je me trouvais donc face à une personne ayant déliré, m’expliquant qu’elle était consciente qu’elle délirait au moment où elle le faisait… Pour moi, c’était tout simplement impossible… N’empêche que….

Ainsi allait commencer, pour moi, la fin de la croyance dans les théories de Lacan et la construction d’un autre modèle. Dans ce modèle, prend toute sa place la notion de « GRABOUILLI ».

De quoi s’agit il ?

( Comme la notion de Grabouilli est détaillée dans mon livre , je ne présente ici qu’un rapide survol).

M’appuyant sur les travaux du neurologue A.R.Damasio, je considère que ce sont nos émotions qui déclenchent nos comportements. Damasio considère aussi que nos pensées aussi sont des effets secondaires de nos émotions. Ainsi, ce que nous faisons ou pensons résulte de nos émotions. En tant que tel, ça n’a pas de sens.

Nous sommes ici aux antipodes des théories développées par la psychanalyse. La pensée n’a plus aucune importance, ce sont les émotions qui gouvernent les pensées.

 

Au début, je parlais « d’émo -comportement dissociatif ». Puis un jour, suite à une erreur d’un de mes enfants et voulant faire rire mon auditoire lors d’une conférence, j’ai employé le terme « Grabouilli ». Bien entendu, lors de cette conférence, personne n’a rit, mais cela m’ayant bien amusé, je l’ai gardé…

Par ailleurs, il existe ce que nous appelons les « sensations non senties », ce sont des comportements déclenchés avant l’apparition de la pensée s’y rattachant, nous agissons avant de décider d’agir…

Nous voici plongés dans une approche des comportements totalement différente de nos habitudes. Nos comportements nous échappent la plupart du temps. Nous constatons ce que nous faisons et venons le justifier par la pensée….

Ainsi, il existe, en gros, trois catégories de comportements:

  • Des comportements adaptés, correspondant à des programmes non-conscients qui nous agissent et que nous justifions dans l’après coup par des pensées
  • Des comportements volontaires, déclenchés par la pensée, en fait ils sont assez rare
  • Des comportements involontaires et inadapté, déclenchés par de la peur ou de la culpabilité, ce sont les grabouillis.

L’ensemble de ces éléments mets à la poubelle la notion de système de défense telle que développée par la psychanalyse. Ainsi le symptôme perd son statut le délire aussi…

Nous arrivons dans un abord des symptômes ou des délires très différent de la conception habituelle. En effet, ils ne sont plus que le résultat de déviation de l’influx nerveux. Ces déviations étant causées par de la peur ou de la culpabilité. Le symptôme, le délire, est un signal de l’existence d’une pour ou d’une culpabilité, il n’a pas de sens en soi…

En accord avec les neurosciences, ceci entraîne une séparation entre la personne et son comportement….

La personne délirante se voit donc délirer, elle sait qu’elle délire et ne peut pas s’en empêcher.

Dans cette conception des choses, le symptôme, non seulement ne sert pas la personne, mais au contraire l’angoisse…. En effet, il est terrible de constater que l’on est en train de dire ou de faire quelque chose qui nous échappe complétement et que l’on juge, soi-même, comme délirant…

L’un des nombreux problèmes que pose le grabouilli c’est qu’il génère la culpabilité d’avoir fait n’importe quoi et la peur que cela se reproduise. Or, puisque le grabouilli est déclenché par de la peur ou de la culpabilité, il s’auto-génère. D’où, dans bien des cas, une spirale infernale.

Conclusion:

Le grabouilli est un comportement involontaire déclenché soit par une peur, soit par une culpabilité.

La personne se voit faire un grabouilli et cela l’angoisse, elle culpabilise de son comportement et à peur de son retour.

Le grabouillli n’a pas de sens, il est l’indicateur d’un mal être.

La nun study pose la question de la correspondance entre une dégénérescence neuronale avérée et une modification comportementale importante. Il n’y a pas que cette étude qui interroge sur la réduction d’Alzheimer aux effets d’un problème de vieillissement du cerveau.

Il suffit de prendre le temps de discuter avec les équipes d’EHPAD, pour constater certaines constantes comme le fait que le comportement des personnes « démentes » change du tout au tout en présence d’un bébé. Ou encore pour relater des moments d’arrêt de comportement délirant lors de situations inhabituelles, etc.En fait les exemples sont légion… Or, ils ne devraient pas exister du tout…

En effet, si le comportement Alzheimer était strictement un effet d’une dégénérescence neuronale, les personnes resteraient en permanence enfermées dans leurs comportements sans que rien d’autre que des médicaments ne viennent les en extraire… Voilà qui pose question.

A la suite des travaux du Dr Maisondieu, j’ai creusé l’hypothèse d’un déclenchement de comportements dits « Alzheimer » suite à la survenue d’une forte angoisse de mort.

Les résultats sont là. Bien entendu, il s’agit d’un premier pas, beaucoup d’autre sont nécessaires.